Les bons conseils de papa Kipling !

Parfois nous connaissons un poème depuis plusieurs années car il fait partie des "bases culturelles" de notre société. Mais un jour, plus particulièrement (allez donc savoir pourquoi !), sa beauté nous frappe en plein coeur. Ce fût le cas pour moi avec cette sublime version du poème "IF" de Kipling, mis en musique par Lavilliers... On la retrouve sur son CD "La Marge - Lavilliers chante les poètes". Si sa version du poème d'Aragon "Est-ce ainsi que les hommes vivent ?" n'arrive pas selon moi à faire oublier celle du grand Léo Ferré, la seule présence de "If" suffirait amplement à justifier l'achat de ce CD !

Je vous mets le poème ci-dessous... En quelques strophes tout est dit et l'Emile de Rousseau peut bien aller se rhabiller !

If 

Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou perdre d'un seul coup le gain de cent parties
        Sans un geste et sans un soupir ;
Si tu peux être amant sans être fou d'amour,
Si tu peux être fort sans cesser d'être tendre
Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour,
        Pourtant lutter et te défendre ;

Si tu peux supporter d'entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d'entendre mentir sur toi leurs bouches folles
        Sans mentir toi-même d'un seul mot ;
Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère
        Sans qu'aucun d'eux soit tout pour toi ;

Si tu sais méditer, observer et connaître
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur ;
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
        Penser, sans n'être qu'un penseur ;
Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage
        Sans être moral ni pédant ;

Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d'un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
        Quand tous les autres les perdront,
Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis
Et, ce qui est mieux que les Rois et la Gloire,
        Tu seras un homme, mon fils.

Rudyard Kipling (1865-1936)