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Les petits papiers de Stéphanie
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28 septembre 2014

Emouvante Charlotte Salomon...

Certains lecteurs reprochent aux auteurs français contemporains d'être trop centrés sur eux-mêmes, de ne parler que de leurs tourments, et d'oublier ainsi le vaste monde. Personnellement, j'aime "tomber dans l'univers" d'un écrivain lorsque je lis un livre. Peu importe alors s'il ne parle que de lui ; "l'humain" de toute manière est bien suffisamment riche pour occuper tout l'espace.

Toutefois, il faut noter pour cette rentrée littéraire une nouvelle tendance très marquante. De nombreux écrivains se sont tournés vers la "biographie romancée" et nous parlent de ceux ou de celles qui les obsèdent plutôt que d'eux-mêmes directement (les petits malins !). Notons ainsi comme "couple littéraire", Laurence Tardieu et la photographe Diane Arbus, Deville et Trotsky, Oona O'Neil et Beigbeder, Lydie Salvayre et Bernanos, Mary Shelley et Judith Brouste, Vuillard et Buffalo Bill etc....

Si plusieurs de ces romans sont très bons, je voudrais vous parler aujourd'hui de celui de Foenkinos sur la peintre Charlotte Salomon, morte à 26 ans à Auschwitz. Avant de lire ce livre, je ne connaissais absolument pas cette jeune femme. Son histoire, comme tant d'autres, est profondément tragique et ne peut laisser personne indifférent.

foenkinos_jpegNée à Berlin en 1917, elle grandit dans une famille juive plutôt aisée. Hélas, la famille du côté maternel côtoie la folie depuis plusieurs générations et le suicide de la maman de Charlotte n'est que la suite de nombreuses autres morts tragiques. Son père, un médecin brillant, se remarie quelques années plus tard avec une cantatrice célèbre. La petite Charlotte a un don pour le dessin et réussit par miracle (et malgré des lois raciales de plus en plus sévères) à intégrer les beaux-arts de Berlin.

En 1938 elle remporte même le premier prix d'un important concours. Moment de joie pour elle mais aussi de douleur puisqu' en tant que "juive" elle ne peut pas aller chercher son prix. Il faut trouver un subterfuge et c'est une de ses camarades, bien "aryenne" elle, qui montera sur l'estrade recevoir les applaudissements et les félicitations...

Et puis c'est la fuite. Elle se réfugie alors à Nice où elle peindra l'oeuvre de sa vie, un recueil de plus de 700 gouaches où elle fait le récit de sa (trop) courte existence.

David Foenkinos a découvert Charlotte un peu par hasard en visitant, sur les conseils d'une amie, une exposition de ses oeuvre. Ce fût un choc : «Tout ce qui me troublait depuis des années. [...] Les écrivains allemands. La musique et la fantaisie. Le désespoir et la folie. Tout était là. Dans un éclat de couleurs.»

Complètement envoûté par ce personnage hors norme, il a accumulé au fil des années tous les éléments qu'il pouvait retrouver sur cette courte et émouvante vie de 26 ans. Bien évidemment il a dû quelque peu "broder", mélangeant les éléments connus et reconnus de la vie de Charlotte avec des moments de fiction pure. Il a ainsi recréé "sa" Charlotte, telle qu'il l'idéalise, choisissant artistiquement de la décrire par petites touches sous la forme d'un long poème sans rimes...

charlotte_jpegJ'ai été très touchée par ce livre. Il est vrai que le mélange fiction/réalité est toujours délicat, voire dérangeant. A-t-on le droit de s'approprier ainsi une personne, de la faire revivre avec nos propres sentiments, notre "double" devenant alors presque plus réel que "l'original" même ? La question reste ouverte mais, en attendant, grâce à ce livre, j'ai eu envie de connaître un peu plus la peinture de Charlotte Salomon et, pour une artiste, perdurer après sa mort à travers son oeuvre n'est-ce pas là l'essentiel ?

 

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