Laissez vous dynamiter par "Scènes de la vie d'un faune" !

Arno Schmidt, Scènes de la vie d'un faune, Tristram.

Certains textes forment une sorte de "canopée littéraire", tellement haut au dessus de notre tête, qu'ils nous semblent bien inatteignables. Tout le monde (ou presque !) en parle mais peu les on vraiment lus... Pour ma part, j'en ai découvert certains mais beaucoup se sont encore refusés à moi. Peut- être faut-il, comme pour les jeux vidéos, accumuler beaucoup de points (et donc lire de manière intensive et qualitative) pour pouvoir accéder au niveau supérieur : celui des auteurs qui bousculent habilement tous les codes narratifs.

Ainsi, Scènes de la vie d'un faune  me titillait l'imaginaire depuis quelques temps. Sa sortie aux éditons Tristam en souple ( que 8 euros 95 ! ) était donc l'occasion rêvée de lire enfin ce livre extraordinaire et complètement détonnant... Publié pour la première fois en 1953, ce bijou est un miracle de modernité et pourrait en démontrer sévère à pas mal de "petits coqs littérateurs contemporains"....

En courts paragraphes, on y découvre la vie de Heinrich Düring, fonctionnaire à priori banal, de février 1939 à septembre 1944. Herr Düring, méprise sa femme, qu'il voit comme une débile sans cervelle, sa fille, son fils... Surtout, il déteste ces nazis qui n'ont "qu'un hémisphère cérébral", complètement incultes, et qui imposent à l'art une "pesante uniformité (...) vide d'expression."

Heinrich Düring est un homme cultivé, à l'esprit acéré, atterré par la peste brune qui ravage le pays. Un peu anarchiste sur les bords, "la musique qui marche au pas" ne le regarde pas... Dans un pays de plus en plus nazifié, il nous déverse magnifiquement toute sa haine pour son entourage et pour ses compatriotes "lobotomisés" complètement accros au "Heil Hitler". En effectuant des recherches pour son travail, il retrouve une cabane abandonnée dans la lande qui a servi de refuge à un déserteur de l'armée napoléonienne. Cette cabane lui servira de havre secret pour abriter ses amours illégitimes avec une jeune lycéenne de son quartier.

Préparez-vous à être complètement bousculés dans vos petites habitudes littéraires. On ne peut être que désarçonné par le style "Schmidt". Les réflexions de Heinrich forment des paragraphes bruts, sauvages, d'une poésie toujours présente. Les propos sont souvent décousus, non linéaires, baignés d'un humour corrosif. A découvrir sans perdre de temps...