Ainsi soit Benoîte Groult, Catel, Grasset.

Belle réussite que cette BD ! Et pourtant, c'était loin d'être gagné... Lorsque la dessinatrice Catel propose à Benoîte Groult d'en faire l'héroïne de son prochain roman graphique, on ne peut pas dire que cette sémillante nonagénaire fasse preuve d'un emballement excessif. Pour cette intellectuelle à l'avant-garde de la lutte pour les Droits des femmes, la BD se réduit aux planches de Bécassine ( certainement pas le personnage le plus malin du genre ! ), une grande "duduche" honteusement privée de bouche en plus et donc incapable de s'exprimer. Un comble pour Benoîte qui n'a jamais hésité quant à elle à clamer haut et fort ses idées quitte à choquer...

Bien vite cependant, si Benoîte Groult ( avec un soupçon de mauvaise foi ! ) proclame toujours qu'elle n'aime pas la bande dessinée, il lui est impossible de résister à l'immense talent de Catel. Comment d'ailleurs ne pas être conquise par sa capacité à faire passer facilement et agréablement toutes les idées, aussi ardues et arides soient-elles ? Ainsi, son roman graphique sur Olympe de Gouges arrive merveilleusement à faire revivre cette grande figure féminine de la Révolution, une visionnaire à l'origine des premières conquêtes féministes, notamment le droit au divorce.

Le projet a donc bel et bien vu le jour, les deux femmes se sont rencontrées souvent et Benoîte Groult s'est livrée avec simplicité et sans aucun tabou. Le résultat est une bio-graphique passionnante de 326 pages d'où se dégage une profonde complicité et amitié entre Benoîte et Catel.

Au fil des dessins, on découvre la vie riche et aventureuse de Benoîte Groult issue d'un milieu très aisé et plutôt intellectuel mais qui a su s'en affranchir et analyser les évolutions des rapports hommes / femmes au XXe siècle. Toute sa vie, elle a refusé le rôle de second plan que sa condition de femme lui assignait pourtant. C'est une femme de combats, qui se bat sans faiblir pour les sujets qui lui tiennent à coeur, que ce soit la condition féminine ou le droit "à mourir dans la dignité".

J'avoue profiter des "acquis féministes" sans vergogne tout en oubliant trop souvent tout ce que je dois à ces femmes courageuses qui ont su imposer leurs idées dans un monde où le masculin l'emportait toujours. Cette BD est précieuse avant tout pour cela : rappeler que le droit de vote des femmes, la pilule, l'IVG n'ont pas toujours été aussi "évidents" et que même au XXIe siècle, la vigilance est de mise car ce qui a été aussi durement obtenu, peut toujours être très facilement perdu. A toutes ces femmes et ces hommes qui se sont battus pour faire évoluer les mentalités, nous devons bien ça.

Les phallocrates à la lanterne !

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