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Les petits papiers de Stéphanie
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18 mars 2013

Louis et Jean....

Jérôme Garcin, Bleus horizons, Gallimard

garcin_jpegPetite devinette : qu'ont en commun Paul Person, Albert Thierry, Eugéne Pic, Paul de Ritter, Jean Rival, Paul Acker ? Allez, un petit effort ! Non, vraiment, vous donnez votre langue au chat ? Et si j'ajoute Alain-Fournier, Louis Pergaud, Jean Pellerine ou encore Jean de La ville de Mirmont ? Bon, comme visiblement le chat n'en veut pas de votre langue (il faut la comprendre, pauvre bête !), je vais vous donner la réponse. Ils font partie des 560 écrivains "morts pour la France" pendant le conflit 14-18... Qui sait, même si certains sont demeurés presque inconnus, peut-être seraient-ils maintenant publiés en Pléiade si une balle perdue ou un gaz vicieux ne s'étaient chargés de faire taire à jamais les mots et les phrases qu'ils portaient en eux.

Dans ce roman émouvant et poignant, Jérôme Garcin fait revivre l'un d'entre eux, le poète Jean de la Ville de Mirmont, mort à 27 ans lors de la boucherie du Chemin des Dames. Lorsque débute la Guerre, ce jeune Bordelais, ami de François Mauriac, a déjà publié un recueil de poèmes. Ce petit recueil (auquel s'ajoute un roman, Les dimanche de Jean Dézert, non publié alors) sera donc "toute l'oeuvre" de cet écrivain prometteur.

Quelles que soient les circonstances d'un décès, c'est toujours "plus dur pour ceux qui restent" et en effet c'est bien le cas pour le narrateur du roman, Louis Gémon. Jérôme Garcin a inventé ce personnage totalement fictif pour qu'il soit en quelque sorte le témoin, "l'exécuteur testamentaire" de Jean de la Ville de Mirmont.

Les deux hommes se rencontrent dans les tranchées et deviennent vite amis. De cette sorte d'amitié à toute épreuve qui naît dans un enfer où la solidarité et la confiance sont tout ce qui reste aux soldats.

Témoin de la mort du jeune poète, Louis ne sera quant à lui "que" blessé, évacué du front et envoyé à Deauville pour être soigné. Sur son lit d'hôpital, en pensant à la mort de son ami si talentueux, il a alors cette certitude terrible : " De nous deux, ce n'est pas lui qui aurait dû mourir si jeune..." Jamais Louis ne pourra accepter d'avoir survécu alors que tant d'autres ne sont pas revenus.

Incapable de reprendre une vie "normale", il n'a plus qu'une obsession : faire connaître l'oeuvre de son ami Jean. Inlassablement il frappe à toutes les portes et oublie du coup de vivre sa propre vie, d'écrire sa propre oeuvre. Abnégation ? Folie ? Lâcheté ? L'attitude de Louis peut donner lieu à plusieurs lectures. Pour ma part, ce personnage m'a juste profondément émue et je l'ai vu comme le symbole de toute cette génération sacrifiée qui a dû payer un si lourd tribut à la folie des hommes.

 

 

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